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02.03.04.
août 2024

VITALIC

02/08

VITALIC

VITALIC : « DISSIDÆNCE EPISODE 1 & EPISODE 2 »

 

Avec la sortie de « Voyager » en 2017 - un quatrième album qui dansait sous les boules à facettes en nous plongeant avec délice dans une version disco, synthétique et irrésistible, cosmique et vitaminée, mais remise au goût des dancefloors d’aujourd’hui - Vitalic confirmait sa position de figure les plus emblématiques de la fameuse French Touch. Un producteur perpétuellement en train de se remettre en question, capable de mélanger techno, rock, disco, pop et punk avec la même énergie, tout en marquant les corps et les esprits de tubes comme « La Rock 01 », « My Friend Dario », « Fade Away », « Under Your Sun », « Poison Lips », « Second Lives » et on en oublie volontairement en route. Un artiste qu’on ne saurait réduire à ses albums studio tant, dès le début de sa carrière, Vitalic a prouvé son amour pour le live électronique auquel il a donné (aux côtés d’Etienne de Crécy, des Daft Punk ou de Justice, par exemple) ses lettres de noblesse avec ses concerts électrisants et psychédéliques, tout en pyrotechnie digitale et bataille de lasers, dont le spectateur ressort lessivé, comme après une course poursuite endiablée.

 

Hyper prolifique depuis la sortie de l’album « Voyager » et la longue tournée qui a l’accompagné, Vitalic ne s’est pas reposé pour autant. Ressuscitant dans un même élan son alias Dima avec lequel il avait commencé à se faire connaître (et qui contenait déjà en substance tout l’ADN du futur Vitalic), remixant à tour de bras, de la pop d’Etienne Daho à la techno énervée de Louisahhh, formant avec Rebeka Warrior (ex du groupe Sexy Sushi) le duo Kompromat, sublime hommage à l’EBM (pour Electronic Body Music) chanté en allemand et au groupe D.A.F. Et ce tout en fêtant ses vingt ans de carrière avec un coffret de vinyles en édition limitée, reprenant ses titres emblématiques et ses meilleurs remixes, qui désormais s’arrache à des prix indécents. Et comme si ça ne suffisait pas, Vitalic annonçe dans la foulée, un show anniversaire exceptionnel à l'Accor Arena (ex-Bercy) le 12 mars 2022.

 

Confinement et calendrier perturbé oblige, Vitalic en a profité pour se plonger dans ses synthétiseurs et autres boîtes à rythmes, histoire d’annoncer un cinquième album, « DISSIDÆNCE », dont le titre est déjà tout un programme. Un disque, que le principal intéressé décrit comme un retour aux sources de son identité sonore, en forme de clin d’œil revisité à l’énergie rock de ses premiers albums et qui se déclinera en deux volumes : « C’est avant tout une histoire de timing. En le composant je me suis rendu compte que huit titres me semblaient trop peu pour un album et seize vraiment trop et du coup j’ai décidé de couper le tout en deux ! Mais la raison essentielle est que j’avais l’impression de n’avoir pas tout dit sur le premier volume, comme une sensation d’inachevé. »

 

Si la première partie de « DISSIDÆNCE » s’ouvre sur le titre « Haute Definition » et sa disco électro-mutante qui fait le lien inconsciemment avec les sonorités de « Voyager », le disque s’aventure rapidement vers des territoires plus durs et techno comme le confirme Vitalic : « Je suis revenu à une composition plus brute que celle de mes deux derniers albums, à un son plus marqué par les années 70, donc plus direct et moins lisse. J’avais envie de quelque chose de violent tout en restant très sexy dans la production. » La preuve en beauté avec « Rave Against the System », premier single tiré de l’album, qui ouvre d’emblée les hostilités avec son beat martial conçu pour les raves, ses boucles acid qui s’entremêlent et ses vocaux répétitifs et énervés - « Rave Against the System, we won’t stop, we can’t stop » - scandés par un Kiddy Smile dopé à la colère. Un tube énervé et violent qui avec ses tonalités punk-électro donne la couleur dominante principale de ce nouvel album. Soit une plongée dans une techno dure et sans concession, déchaînée et physique, énervée et en sueur, qu’on retrouve également sur des titres comme « Boomer OK », réponse humoristique des quarantenaires aux vingtenaires, avec ses infrabasses et ses vocaux rageurs qui transforment le titre en moulinette mentale et physique, « Carbonized », ses gimmicks électroniques et déjantés, ses lyrics en forme de règlement de compte, sa voix de synthèse et son énergie qui nous font replonger avec délice dans l’incroyable « My Friend Dario » ou l’inoubliable « Cosmic Renegade », irrésistible machine à danser en forme d’hymne transe et diabolique qui n’est pas sans faire penser aux tubes de Jam & Spoon et à la techno allemande des 90’s.

 

Logiquement, et comme sur chacun de ses albums, Vitalic s’amuse aussi à jouer avec nos nerfs et nos corps, alternant morceaux de dance pure et physique à destination des immenses warehouse et des stages de festival, et toute une collection de ballades apaisées, romantiques et bucoliques comme pour mieux redescendre. Que ce soit « Lost Time », morceau quasi ambient à la rythmique absente qui semble tout droit sorti de la bande son d’un film imaginaire, le sublime « Danse Avec Moi », parfait condensé d’électro sautillante façon Elli & Jacno, qui résume toutes ces histoires d’amour nouées à 4h du matin au milieu du dancefloor, ou « 14 AM » qui démarre comme un hommage au « O Superman » de Laurie Anderson pour mieux filer ensuite vers une électro entêtante imbibée d’EBM.

 

Accueilli avec succès autant par la critique que le public, avec ses titres phares comme le très eurodisco « Haute Definition » ou le percussif "Rave Against the System", véritables condensés de haute énergie pour les gigantesques dancefloors, « DISSIDÆNCE » se voit enrichi comme promis d'un deuxième épisode en forme de sept titres inédits qui seront offerts en bonus d'un coffret qui réunira les deux albums. Un « DISSIDÆNCE Episode 2 » que Vitalic a entamé à la fin de la composition du premier volume. « Quand j'ai terminé le premier épisode de « DISSIDÆNCE », explique-t-il, j'avais quelques ébauches de morceaux pour un autre album effectivement, mais à l'écoute je me suis rendu compte qu'il manquait quelque chose pour que le propos soit plus cohérent, pour que les deux albums fassent un tout. Le premier est, pour faire simple, plus pop d'une certaine manière tandis que le second est plus industriel avec une optique rave. C'est plus une collection de morceaux, que j'appellerais fonctionnels, des tracks à jouer en live ou en mix, et vraiment conçus pour danser. C'est une fois les deux épisodes terminés que je me suis rendu compte à quel point tous ces morceaux expriment la frustration, surgissent de ce qu'on avait vécu pendant ces deux ans, des confinements aux interdictions de faire la fête. »

 

Effectivement « DISSIDÆNCE Episode 2 » s'ouvre avec « Sirens » parcouru de sirènes de police hurlantes, de celles qui viennent interrompre les raves sauvages, avant de progresser en dangereuse tornade électronique et transpirante de laisser la place à « The Void » parfait concentré de hardcore minimale scandée d'entêtants « I belong to the Void » et de muter en hommage post-cold-wave à Crash Course In Science (le groupe préféré de Vitalic) sur « The Light Is A Train ».

 

Les deux épisodes de « DISSIDÆNCE », qui naviguent entre pop et hardcore, sueur et tendresse, mélancolie et colère, sont une sorte de condensé de ce que le producteur, vingt ans de carrière au compteur, sait faire le mieux, de la tornade crasse à se dévisser la tête sur le dancefloor à la pop-song amoureuse et synthétique pour s’évader. Avec ses deux volumes qui n'en forment qu'un au final, « DISSIDÆNCE », dont suinte entre les beats énervés et les séquenceurs en cavale la colère sociale et politique face à la pandémie actuelle, Vitalic puise dans son passé son goût pour les synthés qui déraillent, les nappes qui filent de travers, les refrains entêtants et les voix distordues, les rythmes lourds en forme de marathon sur le dancefloor, mais exprime surtout son obsession passionnelle pour la dance-music et le besoin vital de danser. « DISSIDÆNCE » peut ainsi s’écouter à la fois comme un hymne à la fête et un voyage dans un temps qui aujourd’hui n’existe plus, mais qui, et cet album en est la preuve éclatante, est appelé à revivre de tous ses feux, BPM en cavale et rage intacte à l’appui, parce que, plus que jamais, « danser = vivre ».